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Vers une explication des actes de gestion influençant la perception de la justice organisationnelle dans un contexte de réduction de personnel : étude du Programme de départs volontaires du Gouvernement du Québec

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Ngo Manguelle, Christiane (2014). Vers une explication des actes de gestion influençant la perception de la justice organisationnelle dans un contexte de réduction de personnel : étude du Programme de départs volontaires du Gouvernement du Québec. Thèse. École nationale d'administration publique, 317 p.

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Résumé

Cette thèse tente de comprendre le processus de gestion des programmes de compression de personnel et, plus précisément, les facteurs qui ont une influence sur la perception de la justice organisationnelle des employés. À ce jour, la recherche menée sur les mesures de réduction des effectifs reconnaît à l’unanimité que ce type de changement engendre généralement la perception de l’injustice, qui est à son tour associée à d’importants effets négatifs autant sur le personnel que l’organisation. Toutefois, aucune recherche n’a tenté jusqu’ici d’examiner les facteurs qui sont à la base de l’action managériale. Ainsi, la présente recherche vise à examiner l’action de dirigeants dans l’optique de découvrir les causes expliquant pourquoi ces derniers posent des actes porteurs de justice ou d’injustice organisationnelle.

Le Programme de départs volontaires (PDV), mis en place par le Gouvernement du Québec au milieu des années 1990, a servi d’objet d’analyse pour cette thèse. Une recherche longitudinale menée antérieurement avait permis de constater que ce programme avait généré chez les fonctionnaires québécois un certain sentiment d’injustice organisationnelle et que ce dernier était associé à une détérioration du climat de travail et de la performance (Rinfret et Ngo Manguelle, 2007 ; Ngo Manguelle et Rinfret, 2002 ; 2001 ; Rinfret, 2000). Cependant, un examen attentif des résultats globaux a permis de déceler qu’une dizaine de ministères se distinguaient significativement de la cinquantaine d’organisations qui avaient fait partie de l’étude de départ quant au sentiment d’injustice organisationnelle. En effet, ces organisations présentaient, pour certaines d’entre elles, des niveaux de perception d’injustice (ou à l’inverse de justice organisationnelle) significativement plus élevés que le score moyen obtenu pour l’ensemble de ministère dans l’étude initiale. Cette dizaine d’organisations est donc au cœur de la présente démarche d’analyse.

Afin de répondre aux interrogations qui ont émergé des résultats de l’étude longitudinale sur le PDV, nous avons eu recours à une étude de cas multiples. Aussi, le devis de recherche repose sur l’étude de dix ministères et organismes répartis en deux groupes distincts. Le premier groupe (groupe A) est formé des six ministères ayant obtenu les scores les plus élevés quant à la perception de la justice organisationnelle, tandis que le second (groupe B) inclut quatre ministères et organismes ayant obtenu les scores les plus faibles sur la même dimension. Pour chacun des dix cas à l’étude, les personnes directement impliquées dans la gestion quotidienne du PDV au sein de leur organisation ont été rencontrées. Nous avons donc recueilli les données auprès de 30 personnes dont 17 étaient issues du groupe A et 13 du groupe B.

Pour expliquer les différences entre les organisations ayant les scores les plus et les moins élevées, le cadre d’analyse initialement adopté a été la théorie de l’action raisonnée (TAR), qui a été développée par Fishbein et Ajzen (2009 ; 1980). La TAR a été préalablement retenue car elle offre l’avantage par rapport à d’autres courants théoriques du champ des études managériales de proposer une explication psycho-cognitive du comportement qui tient compte autant des incitatifs individuels à poser ou non un acte que de la pression sociale.

L’analyse des verbatim emprunte largement à la méthode de la théorie ancrée développée par Strauss et Corbin (1990). Cette méthode d’analyse a été retenue car elle offre au chercheur la flexibilité nécessaire pour incorporer en cours de réflexion tout élément théorique nouveau susceptible d’aider ce dernier à mieux appréhender le phénomène à l’étude.

Cette thèse a dans une large mesure validé la théorie de l’action raisonnée, dans ce sens qu’elle a réussi à montrer que :

• Les croyances et attitudes des acteurs organisationnels eu égard au PDV (à savoir la norme individuelle) avaient une influence sur les mesures entreprises pour implanter le changement au sein de leur organisation. Ainsi, plus les acteurs étaient à priori favorables au PDV et lui attribuaient des conséquences positives, plus ils ont mis en place des mesures favorables à la perception de la justice organisationnelle.
• L’attitude et les croyances des personnes directement impliquées dans la mise en œuvre du PDV étaient dans une large mesure influencées par la norme subjective, représentée ici par les croyances et attitudes véhiculées par le reste du personnel, notamment les autorités ministérielles.
• Une attitude et une vision «favorables et réalistes» des acteurs organisationnels eu égard au PDV étaient davantage associées à l’instauration de mesures porteuses de justice organisationnelle et, à l’inverse, une vision excessivement négative ou pessimiste du Programme de même qu’une attitude défavorable à son endroit étaient plus susceptibles d'induire des mesures de gestion injustes.

Fait à souligner, on observe dans le groupe B un antagonisme entre les croyances exprimées par les équipes de directions de ressources humaines (qui sont positives, mais largement technico-économiques) et les croyances véhiculées par les autorités ministérielles (qui sont de façon prédominante défavorables au PDV). Les autorités ministérielles du groupe B semblent avoir largement contribué, par leurs actes de gestion à l’incohérence des mesures prises par les équipes de DRH de même qu’au piètre score obtenus par leur organisation quant au sentiment de justice organisationnelle.

Même si la TAR est vérifiée, c’est au regard de concepts non présents dans la TAR que les différences les plus marquantes entre les deux groupes apparaissent, en particulier les styles de leadership des acteurs décisionnels et la culture organisationnelle. Ce sont des facteurs qui ont clairement émergé du discours des répondants, et ce, même si le guide d’entrevue ne prévoyait aucune question en lien avec ces thèmes.

Au sujet du style de leadership des directeurs de ressources humaines, un constat s’impose. La présence au sein des organisations du groupe B d’un DRH peu expérimenté, peu intéressé à la mise en œuvre du PDV et présentant un style de supervision distant est étroitement liée aux dysfonctionnements qui sont observés au sein de l’équipe de DRH et qui ont nui à une mise en œuvre efficace du Programme.

Quant au style de leadership de la haute gestion, l’étude a permis de constater que les organisations du groupe B étaient largement confrontées, comparativement à celles du groupe A, à des autorités ministérielles dont le style de leadership était marqué par la résistance au changement, une vision alarmiste du PDV ou une absence de vision, un style de supervision peu aidant (caractérisé par une gestion distante et une faible implication) et, enfin, une tendance à prendre des décisions contraires à l’éthique.

Dans une certaine mesure, le concept de croyances, qui est au cœur de la TAR, et le concept de leadership se chevauchent. En effet, les résultats de cette recherche suggèrent que les croyances des acteurs sont liées aux styles de leadership, et en particulier à la capacité des leaders à articuler une vision favorable à l’implantation d’une politique telle que le PDV. Ainsi, les acteurs organisationnels du groupe A se distinguent de ceux du groupe B, en ce sens que les premiers ont une vision davantage humaniste du PDV, c’est-à-dire davantage axée sur les aspects ou les dimensions humaines, sociales et psychologiques du changement qui leur est demandé d’implanter. En comparaison avec le groupe A, le groupe B présente une vision technico-économique du PDV, qui porte sur les aspects pécuniaires du Programme et néglige dans une large mesure les dimensions humaines. Les répondants du groupe B ont une vision pessimiste eu égard aux conséquences anticipées du PDV, tant sur les ressources humaines que sur la performance des organisations.

En ce qui concerne la culture organisationnelle, l’étude a révélé qu’avant que ne soit implanté le PDV, les organisations du groupe A bénéficiaient d’une culture de travail, tant au sein de la DRH que du ministère, qui s’est avérée un atout. En effet, dans les organisations du groupe A, on note au niveau de la DRH une culture de gestion participative axée sur une excellente communication entre les membres de l’équipe. À l’échelle ministérielle, les organisations du groupe A se démarquent notamment par des pratiques proactives de gestion de ressources humaines qui se traduisent, par exemple, par une forte tradition de préparation du personnel à la retraite et par le rejet de la mise en disponibilité du personnel comme outil privilégié de gestion des ressources humaines. Aux éléments de culture préexistante précédemment mentionnés s’ajoutent également la présence d’une excellente communication entre l’équipe de la DRH et les autres acteurs ministériels.

À l’inverse des organisations du groupe A, celles du groupe B ne disposaient pas d’une culture de travail propice à l’instauration du PDV, et ce, autant au niveau de l’organisation qu’à celui plus restreint de la direction des ressources humaines. À l’échelle de l’organisation, il appert que l’implantation et le succès du PDV ont été en partie compromis par des carences organisationnelles antérieures liées à des facteurs qui ont été identifiés dans les travaux scientifiques existants, dont la présence d’une culture de conflit nuisant à la collaboration, une mauvaise communication et, enfin, par une absence de gestion participative. De plus, antérieurement au PDV, il régnait un climat de travail délétère, peu favorable à une mise en œuvre réussie du Programme.

Les résultats de la présente étude amènent également à se demander si certaines dimensions de la justice ont davantage d’impact que d’autres sur la perception globale des répondants. Les organisations du groupe B ont par exemple adopté davantage de mesures traduisant le respect des critères de justice informationnelle que ceux du groupe A, sans que ce cela ne réussisse à changer la tendance d’ensemble. En revanche, les manquements éthiques relevés dans cette recherche (ex. empêcher certains groupes de se prévaloir du programme, permettre à des individus de bénéficier de certains avantages, etc.), qui sont en lien avec les dimensions procédurale et distributive de la justice, semblent avoir eu un poids important d’après les propos des répondants.

En résumé, alors que l’impact négatif des mesures injustes adoptées en période de réduction des effectifs a été bien documenté, il n’avait pas encore été possible de comprendre les causes qui sous-tendent l’instauration de pratiques de gestion injustes, dans un contexte de réduction de personnel. L’originalité de cette recherche réside donc dans le fait qu’elle a permis de ressortir les éléments du contexte organisationnel préexistant comme facteurs explicatifs de la vision, des attitudes et de l’action différenciées des acteurs organisationnels eu égard au PDV. Il semble que le contexte organisationnel antérieur au PDV, et au premier chef le style de leadership des gestionnaires en place, a façonné à la fois les croyances des acteurs à l’endroit du PDV et les mesures de gestion qu’ils ont adoptées.

Type de document: Thèse (Thèse)
Notes publiques: Par Christiane Ngo Manguelle ; [sous la direction de la professeure Natalie Rinfret] Comprend des références bibliographiques. Publié aussi en version imprimée. Titre de l'écran-titre (visionné le 14 décembre 2015)
Mots-clés: Réduction; personnel: programme; départs volontaires; administration publique; Québec; nouvelle gestion publique;
Déposé par: Mme Maureen Bannon
Date de dépôt: 02 févr. 2016 20:45
Dernière modification: 09 avr. 2020 14:49
URI: https://espace.enap.ca/id/eprint/30

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