Arbour, Ghislain (2012). Information gouvernementale et marché politique : étude de la raison d'être, de la nature et de la mise en œuvre de la Loi québécoise d'accès à l'information. Thèse. École nationale d'administration publique, 455 p.
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Résumé
Cette thèse de doctorat porte sur la Loi d'accès à l'information (LAI) et sa mise en œuvre.
Le problème de recherche
Le problème de recherche consiste à cerner le rôle de l'information gouvernementale dans le fonctionnement des sociétés démocratiques et à questionner la capacité de la LAI à assurer une disponibilité optimale de cette information pour les citoyens.
Le problème de recherche comporte une dimension théorique et une dimension empirique. La dimension théorique du problème concerne l'explication politico-économique du rôle de l'information gouvernementale et des lois d'accès dans la relation d'imputabilité liant l'État à ses citoyens. Cette partie du problème de recherche a appelé le développement d'un cadre de référence politico-économique original, inspiré des écrits économiques. Elle fait référence à la notion de raison d'être de la LAI dans le titre de la thèse.
La dimension empirique du problème concerne quant à elle l'analyse positive et normative d'une loi d'accès à l'information, la loi québécoise, ainsi que de sa mise en œuvre. Cette appréciation se fait à l’aide de critères d'analyse tirés du cadre de référence développé en réponse à la première partie du problème. Cette seconde partie du problème de recherche est abordée à l'aide de deux questions de recherche empirique, lesquelles sont associées à une démarche de collecte et d'analyse de données. Elle fait référence aux notions de nature et de mise en œuvre de la LAI dans le titre de la thèse.
Notre problème de recherche est ainsi défini, d'un point de vue théorique, par des références à l'analyse politico économique des politiques publiques et, dans son objet, par la LAI et sa mise en œuvre.
Le cadre de référence
Ce problème de recherche a été abordé sous l'éclairage d'un cadre de référence développé aux fins de la thèse et inspiré de trois écoles d'économie politique, soit l'École des choix publics, l'analyse économique du droit et l'économie politique constitutionnelle. Le cadre cherche à expliquer la raison d'être et le rôle des lois d'accès à l'information dans les sociétés démocratiques. Essentiellement, l'information gouvernementale accroît la qualité des décisions des acteurs dans la sphère politique, leur permettant d'agir de manière concordante avec leurs intérêts. Le cadre conçoit l'information gouvernementale au sein du rapport d'imputabilité entre l'État et le citoyen. D'un point de vue normatif, le cadre suggère qu'un meilleur accès à l'information gouvernementale assure une plus grande efficience sociale au système politique. Les lois d'accès à l'information trouvent leur raison d'être dans le fait que l'État ne procure pas de son propre chef une quantité optimale d'information.
Les questions de recherche
Le problème de recherche donne lieu à deux questions de recherche.
La première question porte sur la Loi elle-même et est formulée ainsi : quelles sont les caractéristiques des dispositions de la LAI portant sur la disponibilité de l'information gouvernementale, en termes d'intensité du droit d'accès à l'information et d'obligations de mise en œuvre pour les organismes publics ?
La seconde question porte pour sa part sur les conséquences de la LAI sur les comportements administratifs et se lit comme suit : quelles sont les caractéristiques des comportements de mise en œuvre par des organismes publics des mesures de support à la disponibilité de l'information et du processus formel d'accès à l'information?
La méthodologie
La stratégie méthodologique consiste à organiser la vérification empirique dans une suite logique d'un type causal. Pour chaque dimension d'intervention de la LAI, on documente dans un premier temps l'état de la Loi, ou, dit autrement, les caractéristiques des instruments d'intervention en présence et des incitatifs qu'ils comportent. Dans un second temps, on documente les répercussions de ces incitatifs sur les comportements administratifs de mise en œuvre de la LAI.
La vérification empirique fait appel à différentes sources et techniques de collecte de données. Celles-ci comprennent d'abord l'analyse documentaire de la LAI, l'étude des rapports annuels de gestion des ministères, des demandes d'accès auprès des ministères et des commissions scolaires, l'étude des politiques internes des ministères en matière d'application de la LAI, la consultation des sites Internet des ministères ainsi que des entrevues auprès des responsables de l'accès à l'information dans les ministères.
Les résultats
Les résultats font d'abord état d'un statut juridique et politique de la LAI qui lui assure une certaine pérennité à l'encontre d'actions politiques intéressées et à court terme. La LAI dispose néanmoins d'un statut constitutionnel insuffisant pour garantir une loi optimale.
L'intensité verticale du droit d'accès, soit la couverture des documents à laquelle est opposable le droit d'accès, est sous-optimal en regard des fondements normatifs développés dans la thèse. Elle est articulée autour d'un principe général d'accès limité par des exceptions spécifiques, soit impératives, soit discrétionnaires. Chacun des objets à la base des exceptions paraît justifié dans l'intérêt général et la poursuite d'un marché politique efficace. La faiblesse de la LAI se révèle surtout dans les exceptions discrétionnaires, puisque le mécanisme d'activation des exceptions ne permet pas de discriminer efficacement entre un usage au service de l'intérêt général d'un usage au service de l'intérêt de la direction d'un organisme public, lorsque les deux types d'intérêts ne coïncident pas. De manière quasi systématique, plus une information est susceptible de soutenir l'évaluation de la prestation gouvernementale par le public, plus il est aisé pour un organisme public de retenir légalement l'information, jusqu'à ce que celle-ci perde son caractère d'actualité.
L'intensité horizontale, soit l'ampleur des organismes soumis au droit d'accès, s'avère quant à elle très poussée, touchant apparemment la totalité des organismes publics québécois. Cet aspect de l'analyse du droit d'accès est néanmoins incomplet sans une évaluation du phénomène d'impartition, qui permet de confier des activités gouvernementales à des organismes non soumis à la LAI.
Les obligations sur le processus formel de demandes d'accès à l'information diminuent, pour les citoyens, l'incertitude sur le fonctionnement du processus d'accès à l'information et offre aux organismes publics un contrôle uniformisé des flux d'information sortants. Le bénéfice du droit d'accès qui y est prévu est universel et la tarification restreinte à la reproduction et la transmission des documents. En pratique, la mise en œuvre de ces obligations est généralement faite de manière à répondre au besoin d'information des demandeurs dans un grand respect des obligations légales, mais peut à l'occasion être adaptée pour faire face à des demandes sensibles. Les décisions sur des demandes d'accès sont par ailleurs conformes aux intérêts de la direction politique et administrative des organismes publics qui les emploient, à l'intérieur de la discrétion laissée par la LAI.
Les résultats abordent finalement les mesures de support à la disponibilité de l'information, lesquelles agissent de manière complémentaire au processus formel d'accès. La liste de classement, l'outil initialement prévu par le législateur pour faciliter le repérage des documents par les demandeurs, n'a apparemment pas été mise en œuvre et a été remplacé par un plan de classification servant des finalités archivistiques. La diffusion automatique de documents sur les sites Internet des ministères prévoit un large éventail de documents à communiquer aux citoyens, mais est soumise en pratique à la discrétion des organismes, réfractaire à la diffusion des documents les plus susceptibles d'éclairer le débat public. La divulgation systématique, bien qu'elle ne soit pas explicitement prévue dans la LAI, trouve néanmoins une certaine place dans la pratique administrative alors que des documents non sensibles et reconnus incontestablement comme publics sont communiqués automatiquement et sans formalité à l'occasion d'une demande d'information. À l'opposé, un recours plus ou moins systématique au processus formel peut être employé pour faire face à des demandes sensibles.
Principales conclusions
Les résultats obtenus font état d'une loi certes utile pour favoriser la disponibilité de l'information gouvernementale, mais néanmoins insatisfaisante au regard des critères normatifs de la thèse. L'intensité du droit d'accès et les obligations quant à son aménagement permettent de réclamer auprès des organismes de l'État un éventail très large de documents, à l'intérieur d'un processus prévisible et uniforme. En ce sens, la LAI contribue certainement à diminuer les coûts de l'information sur le marché politique québécois. Néanmoins, en ce qui a trait à l'information la plus sensible et la plus utile à éclairer le débat politique, la LAI offre aux organismes publics une discrétion qui leur permet de la retenir stratégiquement, potentiellement à l'encontre de l'intérêt public.
Quant aux comportements de mise en œuvre de la LAI par les organismes publics, il s'avère respectueux des aspects impératifs du texte de loi mais exploite de manière stratégique l'espace discrétionnaire qui lui est laissé pour protéger les intérêts de la direction administrative et politique des organismes publics lorsque nécessaire. Ainsi, les différents aspects de la mise en œuvre sont généralement appliqués de manière à communiquer efficacement l'information aux citoyens, mais peuvent être tout aussi efficacement employés pour retenir l'information propre à éclairer le débat public lorsqu'elle possède des caractéristiques délicates au plan administratif et politique.
Type de document: | Thèse (Thèse) |
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Notes publiques: | Par Ghislain Arbour ; [sous la direction du professeur Richard Marceau] Comprend des références bibliographiques. Publié aussi en version imprimée. Titre de l'écran-titre (visionné le 14 décembre 2015) |
Mots-clés: | Québec; accès à l'information; accès aux documents; organismes publics; droit |
Déposé par: | Mme Maureen Bannon |
Date de dépôt: | 02 févr. 2016 20:54 |
Dernière modification: | 22 mars 2016 13:55 |
URI: | https://espace.enap.ca/id/eprint/27 |
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