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Le rôle et la place de la conflictualité dans la Gestion intégrée des zones côtières (GIZC) : le cas des Îles-de-la-Madeleine

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Fauré, Anne (2016). Le rôle et la place de la conflictualité dans la Gestion intégrée des zones côtières (GIZC) : le cas des Îles-de-la-Madeleine. Thèse. École nationale d'administration publique, 585 p.

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Résumé

Les zones côtières sont des territoires riches, fragiles et complexes qui lient la terre et la mer. Ils connaissent des pressions et des enjeux largement reconnus surtout dans le contexte des changements climatiques. Le Canada et le Québec ont pris conscience de ces enjeux à la fin des années 70 alors que la qualité des eaux du Saint-Laurent était problématique. Le Plan d’action Saint-Laurent (PASL) fut une première initiative conjointe pour atténuer les pressions subies par cet écosystème. Peu à peu, à l’échelle fédérale comme à l’échelle provinciale, des cadres normatifs d’action ont pris forme pour gérer durablement l’ensemble des mers et littoraux. Parmi les initiatives proposées, les instruments de Gestion intégrée des zones côtières (GIZC) ont pris un essor dans les années 90. Il s’agit d’instruments processuels permettant, par la participation du public, la concertation et la prise en compte de l’échelon local, de mettre en œuvre une politique de développement durable sur les littoraux et les mers. Ces derniers visent, par l’intégration et la concertation, à atténuer d’une part les conflits d’usage, mais aussi à proposer un développement qui tienne compte des dimensions environnementales, sociales et économiques.

Les recherches sur la GIZC se sont d’abord concentrées au niveau organisationnel et managérial, en proposant un éclairage sur ces nouvelles formes d’organisation collective territoriale et le fonctionnement de ces nouveaux processus de gestion (Hazel et al., 2006). D’autres études ont tenté de saisir la portée et l’efficacité de ces dispositifs du point de vue de la mise en œuvre du développement durable (Gareau, 2000 et 2014; Gareau et Lepage, 2005). Une grande majorité de travaux ont exploré le rôle des acteurs locaux dans ces nouveaux mécanismes de gouvernance locale (Plante et al., 2006). Ces recherches font la promotion de la concertation, du consensus, et de l’atteinte d’une plus grande équité en délaissant les questions de pouvoirs, d’autorité, de conflits, et de ressources nécessaires pour mettre en œuvre la GIZC. Pourtant, la gestion intégrée, en tant que dynamique sociale, modifie les rapports de force locaux (Nichols, 1999), et peut, par le fait même, constituer une source additionnelle de conflits et de dégradation environnementale, alors même que l’instrument est censé servir à s’en prémunir. Elle manquerait aussi de l’autorité et des ressources nécessaires pour être efficace (McKenna et Cooper, 2006), et laisserait l’action locale reposer sur un consensus incertain et une neutralité bienveillante de l’État (Billé, 2006). C’est pourquoi il est pertinent d’explorer le rôle et la place de la conflictualité dans les instruments de GIZC, afin de mieux cerner la dimension politique de l’instrument et de saisir les bénéfices d’une démocratie agonistique.

Il nous apparaît alors opportun d’explorer la GIZC comme un instrument d’action publique qui n’est pas neutre. En effet, les instruments participatifs comme la GIZC sont des dispositifs à la fois techniques et sociaux qui organisent les rapports gouvernants⁄gouvernés (Lascoumes et Le Galès, 2004). Plus spécifiquement, en explorant le rôle et la place de la conflictualité dans ces dispositifs participatifs, il est possible de contribuer à une réflexion critique sur la
GIZC (Billé, 2006; Gareau 2000 et 2013; Gareau et Lepage 2005; Gauthier et Lepage 2005; Lepage, Gauthier et Champagne, 2002; Margerum, 2011, 2015; Mermet 1992; Nichols, 1999).

Cette recherche de nature qualitative s’appuie sur l’étude du cas du territoire provincial québécois des Îles-de-la-Madeleine. Ce territoire a un long historique de GIZC avec notamment la présence d’un comité ZIP et plusieurs autres organismes environnementaux qui agissent de façon concertée. Par ailleurs, deux nouveaux projets en mer et sur terre, liés à l’industrie des hydrocarbures sont venus bousculer les acteurs engagés dans le développement durable du territoire madelinot. Les controverses qui se sont construites autour de ces deux projets de développement nous ont permis d’explorer avec plus d’acuité la capacité des instruments de GIZC à se saisir de cette conflictualité ambiante. En analysant les effets d’instrumentation (Lascoumes et Le Galès, 2004), nous avons pu identifier les limites des instruments GIZC à prendre en charge la conflictualité et comprendre les rationalités politiques qui expliquent cette tendance. La conflictualité est ballottée d’un instrument à l’autre, voire étouffée, non seulement par les règles de fonctionnement de l’instrument et la manière dont les enjeux sont problématisés en fonction des ressources dont disposent les acteurs qui pilotent ces instruments, mais également selon la nature des institutions qui les portent.

Cette lecture de l’instrumentation de l’action publique nous a permis de construire une grille de lecture de la conflictualité à partir d’une adaptation enrichie du modèle théorique de Hirschman (1970) : « exit, voice loyalty », pour notre cas d’étude. Cette grille met en évidence les différents mécanismes de résistance utilisés par les acteurs engagés dans, autour et envers les instruments en tenant compte de l’insularité pour faire valoir leurs points de vue divergents et créer des espaces pour que la conflictualité se déploie. Notre analyse montre que des conflits latents ou ouverts apparaissent sous diverses formes, lieux et échelles de temps.

Au final, même si la plupart des instruments examinés sont peu propices à la mise en place d’une réelle démocratie agonistique (Blondiaux, 2008), la prise en charge de la conflictualité par plusieurs mouvements populaires et coalitions d’acteurs permet de néanmoins de transformer ces instruments en « tournois » (Lascoumes et Le Bourhis, 1998) et de dessiner les contours d’une gouvernance émergente construite sur un bien commun territorialisé. Ainsi, malgré la présence de cadres normatifs solides portant la GIZC, il existe un profond décalage entre, d’une part la gestion intentionnelle des zones côtières dirigée selon les principes de développement durable et de gestion écosystémique et, d’autre part, la gestion effective qui demeure fragmentaire, orientée secteur par secteur et surtout guidée par des intérêts privés. L’État maintient un mode de fonctionnement hiérarchique et techniciste derrière l’illusion d’instrument de GIZC et laisse les communautés côtières sans réels pouvoir d’action.

Type de document: Thèse (Thèse)
Notes publiques: Présentée par Anne Fauré ; [sous la direction de la professeure Isabelle Fortier] Comprend des références bibliographiques. Titre de la page de titre de la ressource électronique (visionné le 20 mai 2016)
Mots-clés: Instrumentation de l'action publique; conflictualité ; gestion intégrée des zones côtières; gouvernance territoriale; bien commun
Déposé par: Mme Maureen Bannon
Date de dépôt: 24 mai 2016 18:59
Dernière modification: 24 mai 2016 18:59
URI: https://espace.enap.ca/id/eprint/136

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